Même un bâtiment de prison a des qualités, une structure, voire révèle une certaine beauté. On nous parle comme à des enfants : « Fais pas ci, fais pas ça ! » Les surveillants qui usent du vouvoiement existent, mais sont très rares. L’usage est le plus souvent au tutoiement, en dépit du fait que le code de déontologie de l’Administration pénitentiaire l’interdise.Rappelons que le code de déontologie stipule que le comportement des personnels pénitentiaires doit servir d’exemple aux personnes détenues. Une fois, j’ai rappelé ce code à un surveillant. Voilà sa réponse : « Viens avec moi dans une salle, et on va en parler tous les deux, du code de déontologie… » On est traités comme des enfants. Il y a les ordres stricts, auxquels on répond oui, jamais non, pour éviter les sanctions. Ce n’est plus « Oui papa/maman », mais « Oui chef/ surveillant(e)s ». En maison d’arrêt, c’est le pire. On n’a plus le choix de manger à son heure, de prendre sa douche quand on en a envie. Les seules initiatives qu’on peut prendre en cellule, c’est celle d’écrire, de dessiner, de peindre, éventuellement de grignoter, et, bien sûr, d’aller aux toilettes. De manière générale, vous ne prenez plus aucune initiative, les surveillant(e)s les prennent pour vous. Lorsque vous avez vécu quarante- cinq ans et que vous n’avez plus le contrôle sur votre vie, c’est dur, très dur. Certain(e)s détenu(e)s transgressent des interdits pour avoir le sentiment de garder le contrôle sur eux-mêmes.…